Caroline Gagnon

Débordements

Résidence

20 août au 3 septembre 2013

Description

J’observe le liquide glissant lentement sur la surface lisse du support non absorbant, s’étendant doucement. Au fil des heures qui passent l’eau s’évapore, la matière d’un noir dense se déplace alors davantage comme une masse qu’un fluide; sa viscosité change, s’approchant de celle du pétrole.

Je l’observe jusqu’à ce qu’elle cesse de se mouvoir, qu’une forme enfin se délimite. Que des cernes d’encre se forment graduellement, qu’apparaissent des textures et des dégradés d’une richesse que ne laissait pas prévoir l’opacité du fluide.

Les cernes marquent chacun de ses emplacements, chacun de ses déplacements. Tant de strates témoignant de la temporalité d’un événement, mais aussi de son déploiement dans l’espace. Chaque tache d’encre est une trace lente, la transformation de la matière pouvant durer plus d’une journée. Elles prennent une multitude d’aspects, selon les gestes et évènements qui les ont produites, et auxquels elles renvoient inévitablement.

Mon travail prend forme dans l’observation de la matière. Ayant plusieurs années de pratique en lithographie,  j’ai travaillé essentiellement avec le lavis (tusche), pour son imprévisibilité et pour l’aspect singulier des formes qu’il produit. La relation entre le geste de l’homme, ici la main qui verse l’encre et qui la contraint, et l’état d’auto-détermination de la matière sont au cœur de mon travail.

Au cour des dernières années, j’ai souhaité faire voir l’estampe comme un processus dans lequel la matière, à chaque étape du procédé, possède un potentiel imageant. J’ai voulu la présenter dans ses différents états, du lavis qui se décante lentement à l’image imprimée qui en résulte. En constatant l’incapacité de l’empreinte à rendre compte du mouvement et de la durée, j’ai exploré avec la vidéo dans le but de montrer l’image en train de se faire.

Pendant la résidence, je filmerai différentes manipulations du lavis d’encre, ses déplacements et transformations, avec toute la sensibilité et la précision que rend possible la caméra HD. Je ne souhaite pas documenter un phénomène, mais plutôt rompre avec la linéarité et la démonstration. Je poserai un regard attentif sur le temps, matière nouvelle pour moi, chercherai à le mettre en présence plutôt qu’à le représenter, pour ainsi voir ce qui peut émerger. Il s’agit de créer une certaine attente vis-à-vis de l’image, qui ne naît pas de l’action ou de la narration, mais prend forme dans des jeux d’ombres et lumières, dans des mouvements presqu’imperceptibles. L’image vidéo évolue en explorant les limites du cadre, en relation avec l’espace et avec le corps.

Ici, l’image renvoie à elle-même et à ce qu’elle est par essence.

Démarche

À travers ma pratique, je cherche à voir comment l’image se construit, tant à travers un procédé qu’à travers le regard que l’on y projette. Mon travail est ancré dans l’observation de la matière fluide. C’est en déposant l’encre que s’enclenche le processus : l’image émerge de ses mouvements et transformations, se matérialise dans une multitude de formes.

J’utilise principalement le lavis d’encre, pour son imprévisibilité et pour la diversité des formes qu’il produit. Je m’intéresse à la complexité qui émerge de ces fractales d’encre, de la puissance évocatrice que rend possible leur dualité visuelle. Elles évoquent à la fois des éléments organiques ou géographiques, tant par leur aspect que par leur structure. Les mouvements et les phénomènes qui les génèrent renvoient à comment la matière fluide s’organise, à l’échelle microscopique comme macroscopique.

Je cherche à présenter l’image dans son état d’apparition, l’image en devenir, qui se révèle par son processus de fabrication. Elle se forme dans la matière, dans le temps ainsi que dans le regard projeté : car au-delà de son aspect figural, l’image est pensée comme un lieu de projection. Comment émerge-t-elle dans le regard du spectateur?

L’oscillation est constante entre la matière et ce qu’elle représente. Je cherche à créer des entre-lieux : des espaces qui prennent forme dans l’écart entre ce qui est là et ce qui est perçu, des espaces projectifs dont l’échelle nous est indéfinie. L’ici et l’ailleurs y sont indissociables.

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